Exposition aux endotoxines en milieu professionnel : quel impact sur les valeurs guides permettant d’agir en prévention ?
L’INRS, en collaboration avec la Cramif et la Carsat Pays de la Loire, publie un état des lieux des niveaux d’exposition professionnelle aux endotoxines rencontrés dans différents secteurs d’activité en France. L’exploitation de ces données, obtenues sur les mesures effectuées entre 2011 et 2022, confirme la pertinence des valeurs de références définies en 2015 pour guider les actions de prévention. Les explications de Pauline Loison, responsable d’études à l’INRS.
Que sont les endotoxines et pourquoi est-il important d’en mesurer la concentration aux postes de travail ?
Les endotoxines sont des constituants de la membrane externe de certaines bactéries (dite à Gram négatif) et peuvent être libérées lors de la croissance ou de la mort de ces micro-organismes. Ces bactéries peuvent se multiplier dans de nombreux réservoirs à partir du moment où elles rencontrent les conditions favorables à leur développement.
Certaines tâches professionnelles peuvent provoquer la mise en suspension d’aérosols contenant ces endotoxines, telles que le retournement de compost, la manipulation de matière organique ou encore le nettoyage au jet d’eau de surfaces sales. Lorsqu’elles sont inhalées par les travailleurs, ces endotoxines peuvent provoquer différents effets sur la santé (toux, gêne respiratoire, oppression thoracique, etc.), bien qu’il persiste de nombreuses questions sur le lien dose-effet.
Le recours à une méthode de mesure validée [MétroPol M-454] pour documenter les concentrations en endotoxines revêt plusieurs intérêts : mieux caractériser l’exposition des travailleurs y compris dans des environnements pour lesquels les niveaux d’empoussièrement, par exemple, ne suffisent pas à expliquer les symptômes observés , évaluer les concentrations dans des secteurs non investigués mais aussi identifier les situations les plus exposantes.
Quelles sont les valeurs guide d’exposition aux endotoxines ?
Comme il n’existe pas de valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP), l’INRS a proposé, en 2015, des valeurs guides d’exposition aux endotoxines (exprimées en unités d’endotoxines par mètre cube : UE/m3) à partir de l’analyse des résultats de campagnes de prélèvements dans divers milieux de travail. Ces valeurs permettent de déterminer les actions de prévention à engager (cf. tableau ci-dessous).
Plus de 1 800 mesures ont été réalisées dans différents secteurs d’activité sur la période 2011 et 2022. Quel bilan peut-on tirer de l’exploitation de ces données ?
L’exploitation de la base de données Colchic par le réseau Assurance maladie-Risque professionnels a permis d’établir un panorama des secteurs dans lesquels des mesures d’endotoxines ont été réalisées entre 2011 et 2022 ainsi que des niveaux de concentration rencontrés.
L’analyse des données montre que les concentrations mesurées dans les ambiances de travail ont tendance à sous-estimer le niveau d’exposition réel des travailleurs. Lorsque le prélèvement est réalisé en individuel, dans la zone respiratoire du travailleur, la mesure permet en effet de prendre en compte le geste professionnel, la posture, les déplacements, etc.
Nous avons pu constater également une importante variabilité dans les niveaux de concentrations, que ce soit au sein d’un même secteur ou entre différents secteurs d’activité. Cette variabilité peut être associée à de nombreux facteurs comme les sources d’endotoxines ou les tâches à l’origine de l’exposition. Parmi les environnements de travail étudiés, celui de la transformation et de la conservation de la viande de volaille présente, par exemple, des expositions aux endotoxines globalement 100 fois plus élevées en comparaison à celui de la préparation industrielle de produits à base de viande.
Enfin, cet état des lieux met également en évidence un manque de données concernant l’exposition aux endotoxines dans certains secteurs d’activité concernés par le risque biologique. C’est le cas, par exemple, de certaines nouvelles filières de recyclage et de revalorisation ou de la construction écologique à l’aide de nouveaux matériaux.
Les valeurs guides proposées en 2015 sont-elles toujours pertinentes et utiles pour les préventeurs ?
En l’absence de valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP), l’établissement des valeurs guides en 2015 par le réseau Assurance mala¬die-Risques professionnels a fourni aux préventeurs un outil essentiel dans l’évaluation des expositions aux endotoxines. Ces valeurs permettent en effet d’harmoniser l’interprétation des résultats de mesure, de repérer les situations de travail les plus exposantes, de prioriser les actions de prévention à engager ou encore de sensibiliser les entreprises.
L’exploitation des 1 800 résultats de mesures obtenus entre 2011 et 2022 a permis de conforter la pertinence des valeurs précédemment établies. Les données exploitées ont ainsi montré que les concentrations en endotoxines supérieures à 1 000 UE/m3 représentent toujours environ 10 % des situations de travail les plus exposantes (cf. encadré). Bien qu’elles ne soient pas associées à des effets sur la santé, ces valeurs constituent des objectifs de prévention et permettent d’améliorer les conditions de travail. L’objectif de prévention principal reste toutefois de maintenir le niveau d’exposition aussi bas que possible.
Au regard des connaissances actuelles, les deux valeurs guides de 200 et 1 000 UE/m3 restent donc appropriées et applicables à l’ensemble des environnements professionnels.
L’acquisition de données de mesure supplémentaires reste nécessaire pour objectiver le plus de situations de travail possible et réévaluer régulièrement ces valeurs et leur domaine d’application.
Pour en savoir plus
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Article de revue 07/2025 | NT 122
Résultats de mesures d'endotoxines : exploitation et impact sur les valeurs guides
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Dossier 12/2023
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Article de revue 06/2015 | NT 25
Valeurs guides endotoxines. Interprétation des résultats de métrologie des bioaérosols
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Fiche 06/2018 | ED 4412