Recommandations
L’amiante est interdit depuis 1997 mais des millions de mètres carrés de matériaux en contenant sont encore en place dans les bâtiments, les appareils et les installations. En raison des risques pour la santé qui découlent de l’exposition à l’amiante, la réglementation, en particulier les articles R. 4412-94 à R. 4412-148 du Code du travail, impose des mesures très strictes de prévention et de protection, avec des obligations spécifiques aux différents types d’activités :
- les travaux de retrait ou d’encapsulage d'amiante et de matériaux, d’équipements et de matériels ou d’articles en contenant, y compris dans les cas de démolition (activités dites de « retrait » ou de « sous-section 3 ») ;
- les interventions sur des matériaux, des équipements, des matériels ou des articles susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante (activités dites « d'interventions et de maintenance » ou de « sous-section 4 »).
Au point de vue technique
La prévention du risque amiante repose sur l’émissivité des processus mis en œuvre [114]. Le processus correspond à la combinaison du matériau, de la technique employée pour le traiter et des moyens de protection collective inhérents à la technique (comme l’aspiration à la source, le mouillage à cœur des matériaux, l’abattage des poussières). Trois niveaux d’empoussièrement des processus sont ainsi définis : le premier niveau est inférieur à 100 f/L, le deuxième niveau est compris entre 100 et 6 000 f/L et le troisième niveau entre 6 000 et 25 000 f/L. L’évaluation du niveau d’empoussièrement des processus se déroule en plusieurs étapes : estimation du niveau d’empoussièrement a priori lors de l’évaluation initiale. Pour les travaux de retrait en sous-section 3, réalisation d’un chantier test, de trois chantiers de validation et de vérifications périodiques [115]. Pour les interventions en sous-section 4, un chantier d’évaluation du niveau d’empoussièrement est préconisé pour chaque processus lors de sa première mise en oeuvre. Puis une vérification a minima annuelle est à effectuer lors du contrôle du respect de la VLEP [6, 116].
Plus le niveau d’empoussièrement est élevé, plus les mesures de prévention à mettre en œuvre sont contraignantes. Ainsi, lors d’opérations sur matériaux amiantés, il convient de :
- Former le personnel à la prévention des risques liés à l’amiante et à la sécurité, notamment aux risques potentiels pour la santé, au rôle et à l’emploi des équipements de protection collective et individuelle, et aux méthodes de travail recommandées. À l’issue de cette formation, une attestation de compétences doit être délivrée à chaque travailleur. Pour les activités de sous-section 3, le personnel doit être formé par un organisme de formation certifié. Pour les activités de sous-section 4, la formation peut être réalisée par un formatieur certifié par le Réseau Assurance Maladie risques professionnels / INRS. La formation est renouvelée périodiquement.
- Procéder à une évaluation des risques, portant notamment sur le niveau d’empoussièrement a priori ou connu du processus, les caractéristiques du lieu de l’opération, les niveaux d’exposition attendus, la durée de l’exposition, la charge physique liée à la pénibilité des équipements de protection individuelle, les autres risques existants.
- Définir, en fonction des résultats de l’évaluation des risques, les mesures de prévention à mettre en œuvre pour supprimer ou réduire au niveau le plus bas possible l’émission et la dispersion de fibres d’amiante pendant les travaux, assurer la protection des opérateurs, éviter la diffusion des fibres hors de la zone de travail, garantir l’absence de pollution résiduelle après les travaux.
- Isoler la zone de travail et en restreindre l’accès. Pour les processus en deuxième et troisième niveaux d’empoussièrement, il est nécessaire de confiner la zone de travail et de prévoir un seul accès pour le personnel intervenant, en mettant en place une installation de décontamination équipée de deux douches. En milieu extérieur, il est recommandé d’utiliser une unité mobile de décontamination (UMD) ventilée et correctement équipée [117] pour assurer la décontamination des travailleurs.
- Assurer le renouvellement de l’air dans les zones confinées pour réduire la concentration en fibres d'amiante. Le taux de renouvellement d’air dans la zone confinée est de 6 à 15 volumes par heure en deuxième niveau d'empoussièrement, et à plus de 20 volumes par heure en troisième niveau.
- Rédiger un bilan aéraulique prévisionnel permettant de définir les zones élémentaires à prendre en compte pour le dimensionnement des matériels nécessaires pour la réalisation du confinement dynamique (positionnement, nombre et calibre des extracteurs, des entrées d’air de compensation maitrisées et de réglage). Vérifier le bilan aéraulique prévisionnel avant le démarrage du chantier [118, 119].
- Mettre la zone en dépression. Le niveau de dépression ne doit jamais descendre en dessous de 10 Pa. Ces mesures permettent d’éviter la diffusion des fibres hors de la zone de travail. Contrôler la dépression en permanence sur les chantiers réalisés sous confinement dynamique.
- Mettre à la disposition du personnel des équipements de protection individuelle adaptés : une combinaison étanche aux poussières de type 5 [120] à usage unique ou combinaison ventilée de type 2, des gants étanches aux particules et des bottes décontaminables ou surbottes / surchaussures, ainsi qu'un appareil de protection respiratoire adapté aux niveaux d’empoussièrement [121] :
- appareil isolant à adduction d’air de classe 4 avec masque complet, à débit continu ou à la demande à pression positive,
- appareil à ventilation assistée avec masque complet TM3P, ou casque / cagoule TH3P ou demi-masque TM2P,
- masque complet ou demi-masque équipé de filtre P3,
- demi-masque filtrant FFP3, uniquement en sous-section 4 pour des interventions de 15 minutes par jour en premier niveau d'empoussièrement.
Les appareils de protection respiratoire (APR) ne doivent pas être portés plus de 2h30 par vacation, et au maximum 6 heures par jour. Ils doivent être adaptés à la morphologie du porteur et être ajustés sur une peau lisse et rasée [122]. Ils seront retirés lorsque toute exposition à l’amiante aura cessé, et en particulier lorsque les vêtements de protection auront été enlevés lors de la dernière étape de la décontamination, dans la seconde douche (dite douche d’hygiène). Les batteries des moteurs des appareils de protection respiratoire à ventilation assistée doivent toujours être bien rechargées. Les filtres et cartouches sont changés après chaque vacation. L’utilisation de l’adduction d’air nécessite un réservoir d’air de qualité respirable en quantité suffisante pour tous les opérateurs en zone de travail, ou un apport en continu à partir d’un dispositif de type moteur-ventilateur captant une source d’air de qualité respirable hors de la zone. L’air respirable doit être délivré dans l'appareil isolant jusqu’à la douche d’hygiène dans l’installation de décontamination.
- Travailler à l’humide, imprégner préalablement les matériaux avec un agent mouillant chaque fois que cela est possible selon la nature des matériaux, utiliser des outils manuels ou à vitesse lente reliés à un aspirateur de classe H, démonter ou déconstruire les matériaux... Ces procédés permettent de réduire l’émission de fibres.
- Collecter les déchets au fur et à mesure de leur production et les emballer dans des sacs étanches par catégorie, fermés par col de cygne. Procéder à la décontamination des sacs dans l’installation de décontamination des déchets (en cas d’impossibilité technique de mettre en place une installation de décontamination des déchets, il convient d’utiliser l’installation de décontamination du personnel en adaptant le mode opératoire de sortie des sacs) et à leur mise en big-bag doté d’une double sache étanche, étiquetés « amiante ». Organiser une zone d’entreposage temporaire des déchets, fermée, protégée des intempéries et accessible aux seules personnes autorisées, en vue de leur évacuation vers une filière autorisée conformément à la réglementation [123]. Assurer la traçabilité des déchets sur la plateforme numérique réglementaire Trackdéchets [124] à chaque étape depuis la demande d’admission jusqu’à l’élimination dans l’installation de stockage autorisée ou d’inertage.
- Procéder à de fréquents contrôles de la teneur en fibres d’amiante dans l’air, en zone de travail, sur opérateur, dans l’environnement du chantier (zone d’approche, sortie des extracteurs, compartiment propre de l’installation de décontamination, sortie de l’installation de décontamination des déchets, base vie, limite de chantier …)[125 à 127].
- Procéder à un nettoyage soigneux des surfaces, en fin de travaux, à l’aide d’un aspirateur de classe H, et à l’humide. Décontaminer également les outils et les équipements. Lors d’opérations de travaux publics, ou en terrain amiantifère, mettre en place des dispositifs et procédures de décontamination des engins et des véhicules [128, 129].
- Vérifier périodiquement les installations, équipements de protection collective et individuelle, et les maintenir en parfait état de fonctionnement [130]. Contrôler la dépression en permanence sur les chantiers réalisés en confinement dynamique.
- Mettre en place des dispositifs en cas d’incident ou d’accident entraînant une exposition anormale.
- Prévoir une procédure d’intervention des secours d’urgence en cas d’accident, intégrant la spécificité du confinement et de la décontamination.
- Pour les activités de « sous-section 3 », rédiger un plan de démolition, de retrait, ou d’encapsulage pour chaque opération. Ce plan comporte une description précise du chantier et de l’ensemble des mesures prises pour assurer la protection du personnel intervenant et de l’environnement. Son contenu est défini dans la réglementation. Il est communiqué au médecin du travail et au comité social et économique. Il est transmis un mois avant la date de démarrage des travaux, à l’Inspection du travail, aux agents des services de prévention des organismes de Sécurité Sociale, à l’OPPBTP au moyen de la plateforme DEMAT@MIANTE [131].
- Détenir une certification pour réaliser le traitement des matériaux contenant de l’amiante lors de travaux en « sous-section 3 »[132, 133].
- Pour les activités en « sous-section 4 », rédiger un mode opératoire pour les interventions susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante. Ce document précise les types d’interventions réalisées et décrit l’ensemble des mesures prises pour assurer la protection du personnel intervenant et de l’environnement. Son contenu est défini dans la réglementation. Il est soumis à l’avis du médecin du travail et au comité social et économique de l'entreprise, et transmis à l’Inspection du travail, aux agents des services de prévention des organismes de Sécurité Sociale, à l’OPPBTP [6].
- Informer, avant chaque intervention, les travailleurs sur les risques et les mesures de prévention mises en place. Une notice de poste doit être établie [134].
- Tenir à jour une liste des salariés exposés au risque amiante.
- Établir pour chaque salarié exposé une « fiche d’exposition » précisant la nature, la durée et les périodes d’exposition, les procédures de travail, les équipements de protection collective et individuelle utilisés et les résultats des contrôles de l’exposition individuelle au poste de travail, ainsi que la durée et l’importance des expositions accidentelles. Cette fiche doit être transmise au médecin du travail et est tenue à la disposition du salarié.
- Interdire de fumer, boire et manger sur les lieux de travail.
- Observer une hygiène corporelle très stricte.
- Assurer le suivi individuel renforcé des travailleurs.
Au point de vue médical
- Lors des visites initiales et périodiques
Rechercher particulièrement lors de l'interrogatoire et l'examen clinique, des antécédents ou symptômes témoins de pathologies respiratoires ou cancéreuses (en particulier des poumons, de la plèvre, du larynx et de l’ovaire) : toux, dyspnée, expectoration, douleur thoracique, hémoptysie... Un tabagisme sera recherché (le cas échéant, inciter au sevrage).
La périodicité des examens médicaux et la nécessité ou non d’effectuer des examens complémentaires seront déterminées par le médecin du travail en fonction des données de l’examen clinique, et de l’appréciation de l’importance de l’exposition. Il s’appuie sur les recommandations de bonnes pratiques en vigueur et prend en compte l’impact psychologique que peut engendrer ces dépistages [67, 77, 135].
Pour plus d’informations sur le suivi médical des travailleurs exposés ou ayant été exposés à l’amiante, consulter le TP 27 paru dans la revue Références en Santé au Travail [136].
- Conduite à tenir en cas d’urgence
En cas d'urgence, en particulier sur un chantier de désamiantage, transporter la victime en dehors de la zone polluée en prenant toutes les précautions nécessaires pour les sauveteurs. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, la maintenir au maximum au repos. En cas de gêne respiratoire, faire transférer en milieu hospitalier pour bilan des lésions, surveillance et traitement symptomatique si nécessaire.