Recommandations
En raison de la toxicité et de la grande inflammabilité du phosphore blanc, des mesures très strictes de prévention et de protection s’imposent lors du stockage et de la manipulation de ce produit.
Au point de vue technique
Information et formation des travailleurs
- Instruire le personnel des risques présentés par la substance, des précautions à observer, des mesures d’hygiène à mettre en place ainsi que des mesures d’urgence à prendre en cas d’accident.
- Observer une hygiène corporelle et vestimentaire très stricte : lavage soigneux des mains (savon et eau) après manipulation et changement de vêtements de travail. Ces vêtements de travail sont fournis gratuitement, nettoyés et remplacés si besoin par l’entreprise. Ceux-ci sont rangés séparément des vêtements de ville. En aucun cas les salariés ne doivent quitter l’établissement avec leurs vêtements et leurs chaussures de travail.
- Ne pas fumer, vapoter, boire ou manger sur les lieux de travail.
- Lutte contre l'incendie : former les opérateurs à la manipulation des moyens de première intervention (extincteurs, robinets d’incendie armés…).
- En cas de présence de phosphore rouge, former les opérateurs au risque lié aux atmosphères explosives (risque ATEX) [15].
Manipulation
- N’entreposer dans les ateliers que des quantités réduites de substance et ne dépassant pas celles nécessaires au travail d’une journée.
- Eviter toute friction lors de la manipulation du phosphore rouge
- Éviter tout contact de produit avec la peau et les yeux. Éviter l’inhalation de poussières. Effectuer en système clos toute opération industrielle qui s’y prête.
- Réduire le nombre de personnes exposées au phosphore.
- Éviter tout rejet atmosphérique de phosphore.
- Evaluer régulièrement l’exposition des salariés au phosphore présent dans l’air (§ Méthodes de l’évaluation de l’exposition professionnelle).
- Les équipements et installations conducteurs d’électricité utilisant ou étant à proximité de phosphore doivent posséder des liaisons équipotentielles et être mis à la terre, afin d’évacuer toute accumulation de charges électrostatiques pouvant générer une source d’inflammation sous forme d’étincelles [24].
- Les opérations génératrices de sources d’inflammation (travaux par point chaud type soudage, découpage, meulage…) réalisées à proximité ou sur les équipements utilisant ou contenant du phosphore doivent faire l’objet d’un permis de feu [25].
- Au besoin, les espaces dans lesquels la substance est stockée et/ou manipulée doivent faire l’objet d’une signalisation [26].
- Ne jamais procéder à des travaux sur ou dans des cuves et réservoirs contenant ou ayant contenu du phosphore sans prendre les précautions d’usage [27].
- Supprimer toute source d’exposition par contamination en procédant à un nettoyage régulier des locaux et postes de travail, à l'humide ou en utilisant un système d'aspiration adapté aux poussières combustibles.
Équipements de Protection Individuelle (EPI)
Leur choix dépend des conditions de travail et de l’évaluation des risques professionnels.
Les EPI ne doivent pas être source d’électricité statique (chaussures antistatiques, vêtements de protection et de travail dissipateurs de charges) [28, 29]. Une attention particulière sera apportée lors du retrait des équipements afin d’éviter toute contamination involontaire. Ces équipements seront éliminés en tant que déchets dangereux [30 à 33].
- Appareils de protection respiratoire : en raison de la toxicité aiguë par inhalation de la substance, un appareil de protection respiratoire isolant est recommandé, lorsque la concentration dans l’air est inconnue ou élevée, ainsi que pour toute intervention d’urgence. Si l’évaluation des risques conclut à la possibilité d’utiliser un appareil filtrant, ce dernier doit être muni d’un filtre de type P3. Dans ce cas, une surveillance de l’atmosphère doit être menée tout au long de l’opération afin de garantir la possibilité d’utiliser ce type de protection respiratoire [34].
- Gants : le point 8 de la FDS peut renseigner quant à la nature des matériaux pouvant être utilisés pour la manipulation de cette substance [35].
- Vêtements de protection : quand leur utilisation est nécessaire (en complément du vêtement de travail), leur choix dépend de l’état physique de la substance. Seul le fabricant du vêtement peut confirmer la protection effective d’un vêtement contre les dangers présentés par la substance. Dans le cas de vêtements réutilisables, il convient de se conformer strictement à la notice du fabricant [36].
- Lunettes de sécurité : la rubrique 8 « Contrôles de l’exposition / protection individuelle » de la FDS peut renseigner quant à la nature des protections oculaires pouvant être utilisées lors de la manipulation de la substance [37].
Stockage
- Stocker le phosphore dans des locaux frais et sous ventilation mécanique permanente. Tenir à l’écart de la chaleur, des surfaces chaudes et de toute autre source d’inflammation (étincelles, flammes nues, rayons solaires…).
- Le stockage du phosphore blanc doit s'effectuer dans des récipients métalliques, sous une couche d'eau protectrice, à pH neutre (et contrôlé) et à température inférieure à 65 °C. Le stockage peut également se faire sous atmosphère inerte.
- Fermer soigneusement les récipients et les étiqueter conformément à la réglementation. Reproduire l’étiquetage en cas de fractionnement.
- Le sol des locaux sera imperméable et formera une cuvette de rétention afin qu’en cas de déversement, la substance ne puisse se répandre au dehors.
- Mettre le matériel électrique et non-électrique, y compris l’éclairage et la ventilation, en conformité avec la réglementation concernant les atmosphères explosives.
- Mettre à disposition dans ou à proximité immédiate du local/zone de stockage des moyens d’extinction adaptés à l’ensemble des produits stockés.
- Séparer le phosphore des produits oxydants, des halogènes, des peroxydes.... Idéalement, le stocker à l’écart des autres produits chimiques dangereux.
Déchets
- Le stockage des déchets doit suivre les mêmes règles que le stockage de la substance à son arrivée (§ stockage).
- Ne pas rejeter à l’égout ou dans le milieu naturel les eaux polluées par du phosphore.
- Conserver les déchets et les produits souillés dans des récipients spécialement prévus à cet effet, clos et étanches, sous une couche d'eau. Les éliminer dans les conditions autorisées par la réglementation en vigueur.
En cas d’urgence
- En cas de déversement accidentel de phosphore rouge, le balayage et l’utilisation de la soufflette sont à proscrire. Récupérer la substance en l’aspirant avec un aspirateur adapté à l’aspiration de poussières combustibles.
- Si le déversement est important, aérer la zone et évacuer le personnel en ne faisant intervenir que des opérateurs entrainés et munis d’un équipement de protection approprié. Supprimer toute source d’inflammation potentielle.
- Des appareils de protection respiratoire isolants autonomes sont à prévoir à proximité et à l’extérieur des locaux pour les interventions d’urgence.
- Prévoir l’installation de fontaines oculaires et de douches de sécurité [38].
- Si ces mesures ne peuvent pas être réalisées sans risque de sur-accident ou si elles ne sont pas suffisantes, contacter les équipes de secours interne ou externe au site.
Au point de vue médical
Lors des visites initiale et périodiques
- Rechercher particulièrement lors de l’interrogatoire et l’examen clinique, des antécédents de pathologies cutanée, oculaire, hépatique, rénale, hématologique, osseuse, respiratoire chroniques, des symptômes d’irritation de la peau, des muqueuses oculaires, respiratoires et digestives, des signes évocateurs d’atteintes hépatique, rénale ou osseuse (en particulier au niveau de la mandibule), ainsi que des affections dentaires.
- L'examen clinique pourra être complété par la réalisation d’un bilan biologique (NFS, ionogramme sanguin, bilans rénal et hépatique) et la réalisation d'épreuves fonctionnelles respiratoires qui serviront d’examens de référence.
- La périodicité des examens médicaux et la nécessité ou non d’effectuer des examens complémentaires seront déterminées par le médecin du travail en fonction des données de l’examen clinique et de l’appréciation de l’importance de l’exposition.
- Déconseiller le port de lentilles de contact souples hydrophiles lors de travaux pouvant potentiellement exposer à des aérosols de phosphore.
Conduite à tenir en cas d’urgence
- En cas de contact cutané, appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et laver la peau immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes. Retirer les particules de phosphore de la plaie (sous l’eau en utilisant des pinces). Des compresses humides pourront être appliquées sur la zone contaminée pour empêcher l’inflammation des particules de phosphore lors du transfert de la victime vers le lieu de décontamination.
- En cas de projection oculaire, appeler immédiatement un SAMU. Rincer immédiatement et abondamment les yeux à l’eau courante pendant au moins 15 minutes, paupières bien écartées ; En cas de port de lentilles de contact, les retirer pendant le rinçage. Dans tous les cas consulter un ophtalmologiste, et le cas échéant signaler le port de lentilles.
- En cas d'inhalation, appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime par ambulance médicalisée en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Transporter la victime en dehors de la zone polluée en prenant les précautions nécessaires pour les sauveteurs. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, la maintenir au maximum au repos. Si nécessaire, retirer les vêtements souillés (avec des gants adaptés) et commencer une décontamination cutanée et oculaire (laver immédiatement et abondamment à grande eau pendant au moins 15 minutes). Prévenir du risque de survenue d'un œdème pulmonaire lésionnel dans les 48 heures suivant l'exposition et de la nécessité de consulter en cas d’apparition de symptômes respiratoires.
- En cas d'ingestion, appeler immédiatement un SAMU, faire transférer la victime par ambulance médicalisée en milieu hospitalier dans les plus brefs délais. Si la victime est inconsciente, la placer en position latérale de sécurité et mettre en œuvre, s’il y a lieu, des manœuvres de réanimation. Si la victime est consciente, faire rincer la bouche avec de l’eau, ne pas faire boire, ne pas tenter de provoquer des vomissements. Penser à se protéger des vomissures du patient qui peuvent être à l’origine de brûlures.